François Antoine Habeneck – De la Société des Concerts à l’Orchestre de Paris – Les symphonies de Beethoven – Bernard Sarrette

 

 

Livre HabenekIl fallait bien qu’un musicologue s’intéressât un jour, sérieusement, à François Antoine Habeneck, chef d’orchestre sur lequel on ne cesse de se cogner : dans la correspondance de Liszt et dans celle de Flaubert, dans les Mémoires de Berlioz, dans les souvenirs de Massenet, dans les lettres de Mendelssohn, dans le Journal de Meyerbeer, dans le Dictionnaire de Fétis (mais deux colonnes seulement…) et dans toutes les bonnes histoires de la musique. Anecdotes, faits d’armes et traits d’esprit, mais qui est ce François Antoine, fils d’un violoniste allemand dont la famille, venue de Mannheim, s’est installée en Bretagne en 1787 alors qu’Habeneck père était en garnison à Rennes ?

Pour nous le conter, au plus près de la vérité, il faut s’armer de patience, consulter d’innombrables archives, plonger dans les périodiques de l’époque (du Journal des Débats aux Tablettes de Polymnie). C’est ce travail auquel s’est livré François Bronner, universitaire et vice-président de l’Association des Amis de Stendhal — mais, malgré toute sa bonne volonté, notre auteur n’a recensé dans l’œuvre de Stendhal qu’une seule mention (et encore, entre parenthèses !) relative à notre musicien…

 

La salle de l’Ancien Conservatoire – dans le style pompéien apprécié par l’Empereur (DR)

La salle de l’Ancien Conservatoire – dans le style pompéien apprécié par l’Empereur (DR)

Le Talma du Conservatoire

Finalement, ce sont quatre cents pages qui ont été publiées par les Editions Hermann. Est-ce trop pour l’homme qui a créé la Société des Concerts du Conservatoire, aujourd’hui Orchestre de Paris ; pour le premier chef moderne de notre histoire musicale (face à l’orchestre et sans le lourd bâton qui, jadis, selon la légende, coûta la vie à Lully) ; pour ce violoniste exceptionnel (M. Habeneck est « le Talma du Conservatoire : lorsqu’il joue le concerto, il y  a queue à la porte ») ; pour ce directeur de l’Académie Royale de musique qui eut le privilège d’inaugurer, le 9 juillet 1911, la merveilleuse Salle du Conservatoire, que les musiciens aimeraient tant aujourd’hui récupérer, sans vouloir pour autant laisser sur le pavé les élèves du Conservatoire d’art dramatique (Mme la ministre, ayez vite une idée !) ; pour le musicien enfin, et ce n’est pas le moindre titre de gloire de François Antoine, qui a introduit en France les Symphonies de Beethoven et dirigea la création de la Symphonie fantastique.

 

Fracas

Et ce ne fut pas une affaire aisée que d’imposer aux Parisiens, fous d’opéras italiens, les innovations beethovéniennes. Incroyable, ce que le journaliste des Tablettes de Polymnie écrivit après avoir entendu la très classique Première Symphonie : « L’étonnant succès des compositions de Beethoven est d’un exemple dangereux pour l’art musical […] On croit produire l’effet en prodiguant les dissonances les plus barbares et en employant avec fracas tous les instruments de l’orchestre. Hélas ! » La modernité subversive est de tous les temps.

 

Le capitaine Bernard Sarrette, miniature de Jean-Baptiste Isabey

Le capitaine Bernard Sarrette, miniature de Jean-Baptiste Isabey

Et le capitaine ?

Il fallait bien ce travail d’érudit pour cerner l’œuvre de ce musicien qui fit partager au public parisien pendant plusieurs décennies sa prédilection pour le répertoire germanique. Sujet inépuisable — on y croise aussi Joséphine de Beaumarchais et la duchesse de Berry, Cherubini et Rossini, et Rodolphe Kreutzer, ce grand soliste auquel Beethoven dédia l’une de ses sonates pour violon. Sans oublier un certain Bernard Sarrette qui, dans sa charge de capitaine de la Garde nationale, créa notre Conservatoire national… Il a sa rue à Paris, peut-être mériterait-il, lui aussi, une étude musicologique ?
 
 
 
 
Couv Diapason 629 (2) (1)Retrouvez la chronique de Claude Samuel dans Diapason, numéro de novembre 2014 :
 
 
« Ce jour-là, 2 janvier 1791 :
L’arrivée de Josef Haydn à Londres »

 
 
 
 

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Claude Samuel

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Les commentaires de Claude Samuel sur l'actualité musicale et culturelle, étayés de souvenirs personnels.

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