Le Concours Lily Laskine 2014 – Mesdemoiselles Kim – Les lauréats privés de médaille – Concours en panne – Economies ? – L’album-souvenir

 

Coline Jaget (22 ans), acclamée lundi dernier ! (© Caroline Le Blan)

Coline Jaget (22 ans), acclamée lundi dernier ! (© Caroline Le Blan)

Ce sont deux françaises, niçoises l’une et l’autre, qui ont inscrit leur nom au Palmarès du Concours international de harpe Lily Laskine 2014 dont les épreuves finales se sont déroulées samedi dernier au Théâtre de l’Athénée : Coline Jaget et Amadine Carbuccia, respectivement deuxième et troisième prix, le jury n’ayant pas attribué le Grand Prix (dommage pour le lauréat qui aurait pu repartir avec la magnifique harpe de Grand Concert Iris Gold offerte par la Société Salvi !).

 

Tandis que deux coréennes, Hye Jin Kim et Joan Rafaelle Kim, ont triomphé dans cette catégorie particulièrement touchante des Juniors. Sauf rares exceptions, on sait de longue date que le don musical est très précoce !

… et les deux demoiselles Kim : Hye Jin  (13 ans), premier prix, et Joan Rafaelle (12 ans), deuxième prix dans la catégorie « junior » (© Caroline Le Blan)

… et les deux demoiselles Kim : Hye Jin (13 ans), premier prix, et Joan Rafaelle (12 ans), deuxième prix dans la catégorie « junior » (© Caroline Le Blan)

La grande Lily

Ainsi s’achève l’une des trois grandes compétitions destinées aux harpistes : le Concours international d’Israël (prochaine édition en 2015), le Concours international de Bloomington aux Etats-Unis (prochaine édition en 2016) et le Concours international Lily Laskine, qui fut créé en 1993 par Bertile Fournier, une disciple de la grande Lily, et a rejoint en 2008 les Concours internationaux de la Ville de Paris. Une référence mondiale, un nom prestigieux aux côtés d’Olivier Messiaen, de Mstislav Rostropovitch, de Jean-Pierre Rampal, de Maurice André, de Martial Solal et d’Etienne Vatelot pour la lutherie.

Une belle aventure, qui couvre plus de quatre décennies (première compétition : le Messiaen, lancé en 1967 au Festival d’art contemporain de Royan). Une formidable aventure que j’ai eu le privilège (et le plaisir, surtout) de conduire. Une aventure qui est à la veille de tirer sa révérence.

Anne Hidalgo, première adjointe, remet les récompenses du Concours Martial Solal. C’était en 2006… (DR)

Anne Hidalgo, première adjointe, remet les récompenses du Concours Martial Solal. C’était en 2006… (DR)

Mais pourquoi donc cette belle cause serait-elle brusquement orpheline ? Pourquoi ce fabuleux tremplin offert au début d’une carrière serait-il rayé de la carte ? Pourquoi ces manifestations au rayonnement international seraient-elles en panne au bord de la Seine ? Tout simplement parce que les compétitions musicales et la musique classique d’une façon plus générale laissent de marbre notre actuelle majorité municipale — qui, de surcroît, se serait bien passée de la nouvelle Philharmonie… Donc, depuis 2003, les subventions accordées aux Concours internationaux « de la Ville de Paris » ont dégringolé à la vitesse grand V jusqu’à extinction, et aucun responsable municipal ne m’a proposé d’étudier une solution de survie ; quant au Concours Lily Laskine 2014, il n’a pu se dérouler que grâce à une généreuse société mécène. Oui, c’est la maire de Paris qui vous a (peut-être) invité à assister à la remise des prix et au concert des lauréats mais ses services ont refusé de mettre en fabrication les quelques médailles de la Ville traditionnellement remises aux lauréats. Triste !
 

Pas de volonté politique    

Economies ? En regard des chiffres, il s’agit, on le sait bien, d’une absence de volonté politique. J’ajouterai que le Ministère de la Culture, que j’ai bien naturellement approché, considère que les compétitions musicales, dans leur ensemble, ne le concerne pas (pas de ligne budgétaire !…)

Je sais que l’agenda des politiques, de gauche comme de droite, est saturé, mais comme j’aurais aimé attirer l’un de ces politiques à une journée (ou demi-journée) de concours ! Ils auraient constaté avec quelle passion ces jeunes artistes jouent leur carrière le temps d’une sonate ou d’un concerto. Ils auraient compris que cette jeunesse musicale est ardente, totalement investie dans la pratique des valeurs classiques et, tout en même temps, disponible pour la découverte des musiques nouvelles ; et c’est sur ce chantier que porte notamment le travail des Concours de la Ville de Paris qui, avec l’aide du FCM (Fonds pour la création musicale) commande une œuvre à chaque compétition — cette année, deux partitions ont été ainsi créées, signées Luca Antignani (section senior) et Ton That Tiet (section junior).

 

Le fabuleux jury du premier Concours Rostropovitch (1977) – De gauche à droite : Iannis Xenakis, Witold Lutoslavski, Raïa Garbusova, Mstislav Rostropovitch, Luciano Berio, Henri Dutilleux et Pierre Penassou (violoncelliste du Quatuor Parrenin) – Historique ! (© Michel Lavoix)

Le fabuleux jury du premier Concours Rostropovitch (1977) – De gauche à droite : Iannis Xenakis, Witold Lutoslavski, Raïa Garbusova, Mstislav Rostropovitch, Luciano Berio, Henri Dutilleux et Pierre Penassou (violoncelliste du Quatuor Parrenin) – Historique ! (© Michel Lavoix)

 

La « raréfaction » de crédits

Tout cela n’a pas vraiment ému nos autorités de tutelle. Interrogé par l’AFP, le Directeur des affaires culturelles de la Ville de Paris a répliqué : « Nous ne remettons pas en cause la pertinence et le rayonnement de ces concours, mais notre priorité va au travail sur la pratique collective de la musique dans les 17 conservatoires parisiens dans une période de raréfaction des crédits… »

Imaginez que le Ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports (un certain Patrick Kanner, l’aviez-vous noté ?) se désintéresse des Jeux Olympiques au prétexte qu’il soutient le sport amateur, cela ferait du bruit dans les chaumières…

En attendant que surgissent de nouveaux partenaires, le Concours Olivier Messiaen, le Concours Rostropovitch, le Concours Jean-Pierre Rampal, le Concours Maurice André, le Concours Martial Solal (espéré pourtant en 2015) et le Concours Etienne Vatelot sont donc en chômage technique.

Innombrables et merveilleux souvenirs, archives éloquentes…

 

Ici, dans les bras de Rostropovitch, la coréenne Han-na Chang, Grand Prix à treize ans, aujourd’hui chef d’orchestre de l’Orchestre du Qatar (DR)

Ici, dans les bras de Rostropovitch, la coréenne Han-na Chang, Grand Prix à treize ans, aujourd’hui chef d’orchestre de l’Orchestre du Qatar (DR)

 

Concours de lutherie et d’archèterie 2004 - Etienne Vatelot en 2004 devant une forêt d’instruments – œil infaillible, immense culture (DR)

Concours de lutherie et d’archèterie 2004 – Etienne Vatelot en 2004 devant une forêt d’instruments – œil infaillible, immense culture (DR)

 

Maurice André sur le banc du jury. C’est lui qui répondit, lorsque le fameux Concours de Munich lui demanda jadis de faire partie du jury pour la trompette : « Non, je préfère être candidat ! » Et pendant de longues années, le jury de Munich n’attribua plus le Grand Prix… (DR)

Maurice André sur le banc du jury. C’est lui qui répondit, lorsque le fameux Concours de Munich lui demanda jadis de faire partie du jury pour la trompette : « Non, je préfère être candidat ! » Et pendant de longues années, le jury de Munich n’attribua plus le Grand Prix… (DR)

 

1998 - Jean-Pierre Rampal sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées parmi les lauréats  du cinquième Concours. Plus de deux cents candidats, et un bataillon d’Asiatiques. (DR)

1998 – Jean-Pierre Rampal sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées parmi les lauréats
du cinquième Concours. Plus de deux cents candidats, et un bataillon d’Asiatiques. (DR)

 

Pierre-Laurent Aimard, cet adolescent studieux, pianiste accompli, est aujourd’hui une vedette internationale. En 1973, à quinze et demi, il se présenta au Concours Olivier Messiaen et obtint le Grand Prix. (DR)

Pierre-Laurent Aimard, cet adolescent studieux, pianiste accompli, est aujourd’hui une vedette internationale. En 1973, à quinze et demi, il se présenta au Concours Olivier Messiaen et obtint le Grand Prix. (DR)

Au-delà des mots et des déclarations d’intentions, nos politiques comprendront-ils que les  jeunes musiciens méritent leur attention et que les compétitions musicales jouent en ce domaine un rôle de premier plan ? Vœu pieux ?
 
 
 
Couv Diapason 629 (2) (1)Retrouvez la chronique de Claude Samuel dans Diapason, numéro de novembre 2014 :
 
 
« Ce jour-là, 2 janvier 1791 :
L’arrivée de Josef Haydn à Londres »

 
 
 
 

A propos de l'auteur

Claude Samuel

Claude Samuel

Les commentaires de Claude Samuel sur l'actualité musicale et culturelle, étayés de souvenirs personnels.

Laisser un commentaire