La Fauvette passerinette – Un catalogue – Ravel à Fontainebleau – Le retour de L’Enlèvement au Sérail – Zabou Breitman et Jean-Marc Stehlé – Costumes à vendre

 

 

Zézayerait-elle cette jolie Fauvette ?

Zézayerait-elle cette jolie Fauvette ? (DR)

Cet oiseau, qui appartient à l’une des douze mille espèces présentes sur notre planète, est la Fauvette passerinette, Sylvia cantillans pour les ornithologues, lesquels considèrent cette Fauvette comme la meilleure artiste des régions méridionales…C’est tout dire !

 

Le catalogue abandonné

Messiaen avait naturellement tendu l’oreille ; il avait été séduit par de grêles tac-tac, avait détecté des “tectectectectectec” en séries rapides qui marquent l’inquiétude, reconnu des bruissements zézayants. Puis il prit des notes et décida de les utiliser dans son nouveau Catalogue d’oiseaux. C’était en 1961, deux ans après la création intégrale à Paris du (premier) Catalogue par Yvonne Loriod. Mais d’autres projets étaient en chantier, le second Catalogue ne vit pas le jour et les esquisses de la brave Fauvette passerinette furent abandonnées.

Or, un disciple veillait au grain ; pianiste, il avait travaillé avec Olivier Messiaen avant de lui consacrer de précieuses études. Il est sujet britannique et s’appelle Peter Hill ; il a cosigné avec Nigel Simone pour Fayard un Olivier Messiaen qui fait autorité et vient d’enregistrer sous la marque Delphian un CD (« Oiseaux, Paysages et hommages ») dont notre Fauvette est la vedette.

 

Quand Messiaen notait les chants d’oiseaux… (DR)

Quand Messiaen notait les chants d’oiseaux… (DR)

Un hommage

Peter Hill ayant décidé d’utiliser ce matériau en jachère, il fit au préalable toutes les démarches nécessaires auprès des ayant-droits, notamment le conseil d’administration de la Fondation Olivier Messiaen, dont j’ai le privilège de faire partie. Car, en quelque sorte, les chants d’oiseaux sont protégés. Quant à Peter Hill, co-auteur de cette Fauvette égarée dont Messiaen avait transcrit le chant, il n’a pas triché, ce dont confirme l’écoute de ces onze minutes que Messiaen aurait pu signer. Pas un pastiche, toute idée humoristique étant exclue de la démarche de notre pianiste britannique, plutôt un hommage et/ou un jeu. Réussi.

Sur ce même CD, les Oiseaux tristes de Maurice Ravel (extraits des Miroirs) — « J’y évoque, a précisé le compositeur, des oiseaux perdus dans la torpeur d’une forêt sombre aux heures les plus chaudes de la journée. » Ravel a composé cette petite pièce, dédiée au pianiste Ricardo Viñes, à Fontainebleau mais l’histoire ne dit pas s’il avait erré dans la forêt afin d’y traquer quelque Fauvette passerinette…

 

Une chasse ininterrompue… Ici, dans les Canyons du Colorado. Pas de photographe  en ce lieu assez désertique ; c’est Yvonne Loriod qui a fixé ce cliché.

Une chasse ininterrompue… Ici, dans les Canyons du Colorado. Pas de photographe en ce lieu assez désertique ; c’est Yvonne Loriod qui a fixé ce cliché.

 

Turquerie

C’est une turquerie que l’Opéra de Paris présente à Garnier en ce début de saison. Une turquerie, inscrite dans la catégorie « Singspiel » et signée Mozart lequel, en ces années 1780, suivait la mode. Aujourd’hui, sans doute aurait-il triomphé dans la comédie musicale. À chaque époque, ses hochets préférés.

Voici donc, après une trop longue absence sur la scène parisienne, cet Enlèvement au Sérail qui fut créé avec succès au Burgtheater de Vienne le 16 juillet 1782 et valut au compositeur ce célèbre jugement de l’Empereur Joseph II : « Trop beau pour nos oreilles, mon cher Mozart, et, beaucoup trop de notes ! » « Juste ce qu’il faut », avait répliqué l’auteur.

 

« Beaucoup trop de notes ! »… Un "Enlèvement" parisien de la Belle Epoque (DR)

« Beaucoup trop de notes ! »… Un “Enlèvement” parisien de la Belle Époque (DR)

 

Des airs acrobatiques

Eclipsé par Don Juan, La Flûte enchantée, Les Noces de Figaro et, plus récemment, par Cosi fan tutte, L’Enlèvement au Sérail n’a pourtant rien à envier à ces ouvrages justement fameux, sinon un argument où la philosophie, la métaphysique et la politique peuvent se glisser. L’Enlèvement est un grand divertissement, une bouffonnerie pour laquelle Mozart a composé une merveilleuse partition, brillante et fluide, pleine de rebondissements, agrémentée d’une série d’airs acrobatiques dont il avait le secret. De la musique, rien que de la musique ! Et une bonne dose de clownerie, Mozart étant, comme on le sait, le plus espiègle de nos génies musicaux… Peut-on reprocher à Zabou Breitman, responsable de cette production, d’avoir joué le premier degré dans les décors très plaisants que Jean-Marc Stehlé avait réglés avant sa récente disparition ? On imagine, non sans frémir, comment l’actualité aurait pu inutilement enrichir le livret de Johann Gottlieb Stephanie auquel le compositeur a largement collaboré…

 

Divertir !

Une distribution qui, sans inoubliables éclats, fait honnêtement le travail sous la direction attentive de Philippe Jordan. N’arrivez pas en retard car vous manqueriez les très savoureuses images projetées de Gilles Février et Sylvie Cruguet qui annoncent que cet Enlèvement-là est fait pour vous divertir.

 

La Blondchen d’Anna Prohaska dans ses délassements…

La Blondchen d’Anna Prohaska dans ses délassements… (© Agathe Poupeney / ONP)

 

La braderie de Favart

Et si vous avez décidé, par hasard, de faire concurrence à l’Opéra en organisant une représentation dans votre salon, prévoyez déjà les costumes de Donna Anna et de Leporello. Facile : à l’occasion de son tricentenaire, la Salle Favart bradera pendant le week-end de la Toussaint trois mille costumes et mille accessoires (chapeaux, gants et masques). On prévoit la grande foule. Il est préférable de s’inscrire pour acquérir quelques-unes de ces merveilles…

braderie Favart (2)
 
 
 
 
Couv Diap 628 (petite)Retrouvez la chronique de Claude Samuel dans Diapason, numéro de octobre 2014 :
 
 
« Ce jour-là, 28 octobre 1949 :
La mort de Ginette Neveu »

 
 
 
 

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Claude Samuel

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Les commentaires de Claude Samuel sur l'actualité musicale et culturelle, étayés de souvenirs personnels.

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