Hänsel et Gretel à l’Opéra Garnier

 

On a retrouvé avec plaisir, deux ans après, Hänsel et Gretel à Garnier. D’abord parce que musicalement, orchestralement, l’œuvre de Humperdinck est somptueuse et qu’avec le formidable Orchestre de l’Opéra Yves Abel en tire des féeries, des cauchemars, et des tableaux vivants. Et aussi parce que la mise en scène de Mariame Clément, sophistiquée comme elle est (des quarts de scène se répondant, espace du rêve et espaces du réel, avec leurs personnages dédoublés), garde constamment cette familiarité et cette sensibilité, cette rare capacité de tout traduire en gestes humains qui touchent : et qu’importe qu’on se perde un peu dans tant de dédoublements, sans cesse des personnes, les adultes comme les enfants, sont là, palpables, émus, apeurés. Présences qui rôdent, imminences, le fantastique et le merveilleux n’ont pas besoin d’effets plus voyants. La sensibilité suffit. Critère : on conduisait à Garnier un petit garçon de six ans dont Hänsel et Gretel était le premier opéra. Eh bien on vous assure qu’il était dans l’action, dans le rêve aussi, et à plein. Et qu’il y reviendra !

 

Bernarda Bobro (Gretel), Andrea Hill (Hansel) & Irmgard Vilsmaier (La Mère) / © Julien Benhamou/ONP

Bernarda Bobro (Gretel), Andrea Hill (Hansel) & Irmgard Vilsmaier (La Mère) / © Julien Benhamou/ONP

La distribution est devenue sensiblement meilleure. La Mère, Irmgard Vilsmaier, impose avec elle un formidable poids charnel, tendresse, souci, et quelle voix pleinement humaine, incarnée ! Et qui ressemble au personnage ! Même naturel chez le Père, Jochen Schmeckenbecher, il a gardé ce ton populaire et franc qui n’est qu’à la meilleure Allemagne, sorti tout droit du folklore et de la ballade.

 Irmgard Vilsmaier (La Mère) & Jochen Schmeckenbecher (Le Père) / © Julien Benhamou/ONP

À droite : Irmgard Vilsmaier (La Mère) & Jochen Schmeckenbecher (Le Père) / © Julien Benhamou/ONP

Hänsel (Andrea Hill) est aussi nature, primesaut qu’on peut souhaiter, Gretel (Bernarda Bobro) y ajoutant un charme et un punch vocal que sa devancière n’avait pas.

Hansel (Andrea Hill) & Bernarda Bobro (Gretel) / © Julien Benhamou/ONP

Andrea Hill (Hansel) & Bernarda Bobro (Gretel) / © Julien Benhamou/ONP

Mais c’est avec la Sorcière qu’éclate la différence. Révérence gardée à l’immense artiste qu’est Anja Silja, elle jouait à merveille le rôle du monde le plus facile à jouer (et surjouer), mais on ne peut pas dire qu’elle le chantait, et même pas qu’elle le criait. Doris Lamprecht, pour une fois mise dans un rôle star (même s’il est court), s’y montre dix fois star. Elle le joue avec une gourmandise par elle-même alléchante, s’y éclate dans le ballet de sorcières avec une verve réjouissante, et le chante de façon simplement impériale.

Doris Lamprecht (La sorcière), Bernarda Bobro (Gretel) & Andrea Hill (Hansel) / © Julien Benhamou/ONP

Doris Lamprecht (La sorcière), Bernarda Bobro (Gretel) & Andrea Hill (Hansel) / © Julien Benhamou/ONP

Jusqu’au 18 décembre on peut s’embarquer pour le rêve et le cauchemar dans la compagnie pleine d’entrain des sorcières rousses. Et quelles jolies voix d’enfants y ajoutent deux Maîtrises réunies, celle des Hauts-de-Seine et celle de l’Opéra !

 

Opéra Garnier, 19 novembre  2014

A propos de l'auteur

André Tubeuf

André Tubeuf

Né à Smyrne en 1930, André Tubeuf collabore aux magazines Le Point et Classica-Répertoire. Il est l´auteur de romans et de nombreux ouvrages sur la musique.

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